Les Français favorables à une loi sur l'euthanasie ?

Publié le par Michel Lefouineur

(par Marie De Hennezel - Alors que le Sénat examine aujourd'hui une proposition de loi sur le sujet, la psychologue et écrivain souligne que la loi actuelle répond déjà aux difficultés rencontrées par les personnes en fin de vie.)

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Jusqu'à maintenant, on le pensait. Mais les questions des sondages étaient ainsi formulées qu'elles profitaient de l'ignorance de la population. Ainsi, lorsqu'on demandait aux Français s'ils étaient "favorables à la possibilité pour les personnes atteintes de maladies incurables de demander l'euthanasie", la question ne tenait pas compte du fait que le sondé confond souvent "euthanasie" et "bonnes pratiques en fin de vie". Pour les uns, le mot est synonyme d'apaisement des souffrances. Pour d'autres, l'euthanasie, c'est "débrancher", c'est-à-dire mettre fin à l'obstination déraisonnable. On comprend que la majorité des Français soit pour l'arrêt des souffrances et l'arrêt de traitements visant à prolonger la vie d'une personne qui supplie qu'on "arrête !". Mais nous n'avons pas besoin d'une loi sur l'euthanasie pour cela, car nous avons déjà une loi qui répond à cette angoisse. Or 68 % des Français l'ignorent !

Un sondage tout récent révèle, en effet, qu'une majorité de nos concitoyens est mal informée sur ce qu'il est possible de faire, dans le cadre de la loi "droits des malades et fin de vie". Ils ne savent pas qu'un médecin peut utiliser tous les moyens antalgiques ou sédatifs à sa disposition pour soulager une agonie douloureuse, même si ces moyens écourtent la vie de son patient. Ils ne savent pas, non plus, que des personnes maintenues artificiellement en vie, comme le permettent aujourd'hui les avancées de la science, ont le droit de demander à ce qu'on les laisse mourir, sans souffrances et accompagnées.

Ce même sondage nous apprend que 60 % des Français préfèrent le développement des soins palliatifs à la légalisation de l'euthanasie et qu'ils sont conscients des risques des dérives auxquelles nous nous exposerions en votant une loi "permettant à un individu ou à un groupe de décider de la vie ou de la mort d'autres personnes", 57 % des personnes interrogées expriment donc leurs craintes que des malades non consentants soient euthanasiés, notamment des malades déments, et que des raisons financières poussent à multiplier les cas d'euthanasie (56 %). Enfin, plus les personnes vieillissent et plus elles sont hostiles à une telle légalisation : 73 % des plus de 60 ans estiment aue la priorité en France, aujourd'hui, est de voter des crédits pour développer les soins palliatifs. Sans doute les personnes âgées, davantage conscientes de leur vulnérabilité, sentent-elles que l'important pour elles est de savoir qu'on les aidera à vivre le mieux possible le temps qui leur reste. Sans doute ont-elles aussi besoin d'être rassurées quant à la confiance qu'elles font à leur médecin. On les comprend ! Alors que s'engage un débat sur le financement de la dépendance et le poids qu'il va représenter pour les générations dutures, on a raison de s'inquiéter d'une loi qui pourrait être, un jour ou l'autre, détournée à des fins de pression sur des personnes dépendantes.

Présenter, par exemple, la mort choisie comme une solution citoyenne généreuse ! Ne soyons pas naïfs : ceux qui n'auront pas les moyens de financer leur dépendance ni de patrimoine à transmettre, et qui par là même représenteront une charge pour la société, on les poussera à demander la mort, dès lors que notre législation le permettra.

Le devoir du législateur et des décideurs politiques est de protéger toutes ces vulnérabilités à venir, en commençant par faire connaître et appliquer les lois que nous avons. Il y a de toute évidence un défaut d'information et de pédagogie du grand public, en ce qui concerne les progrès médicaux et législatifs encadrant la fin de la vie.

Malheureusement, les propositions de loi sur l'euthanasie fleurissent sur le terreau de cette méconnaissance. Elles continueront de le faire tant que les pouvoirs publics n'auront pas pris la mesure de leur responsabilité : pourquoi, par exemple, la grande campagne de communication sur les droits des malades en fin de vie, promise dès 2009 avec un budget de 5 millions d'euros, a-t-elle été si timide ? Elle s'est arrêtée à la diffusion de documents qui, aussi bien faits soient-ils, sont allés - comme tous les papiers - rejoindre les tirroirs, puis les poubelles. Les communicants ne savent-ils pas que seuls les messages régulièrement diffusés à la radio où à la télévision ont une chance de toucher un large public ? Un public qui, s'il était mieux informé, pourrait faire mentir ceux qui proposent de légaliser l'euthanasie en son nom.

(source : Marie De Hennezel, psychologue et écrivain - Le Figaro du lundi 24 janvier 2011)

Publié dans Débats

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